louise et gilles

Ajiep, Sud-Soudan
Le 03 décembre 1998

Salut,

Il fait toujours aussi chaud au Sud Soudan ... 40°C à l' ombre. De plus, on a eu encore plus chaud aujourd' hui au TFC1 (Therapeutic Feeding Centers). En effet vers 09h30, à environ cent mètres du centre, il y a eu des coups de feu et une bagarre. Au début, on ne savait pas ce qui se passait et on était inquiet à cause des coups de feu, des cris et de l'important attroupement.

On a immédiatement établi le contact radio entre nous (nous avons toujours des talkie-walkies sur nous) et on s'est tous réunis au centre du TFC, on a appelé immédiatement à la base pour avoir une Jeep et on était prêt à évacuer le centre. Tout en se préparant à se replier vers notre camp, on prenait des informations sur l'événement et il s'est avèré finalement ne s' agir que d' une dispute entre quelques soûlards locaux. Nous avons fait une petite pause pour se calmer un peu et moins d' une heure après l' incident on a pu reprendre le boulot auprès des enfants (j ai dû interrompre ma tournée des soins intensifs...).

Dans l'après midi, encore des émotions mais cette fois au TFC2. En effet, un maudit gros serpent de couleur argent (évidemment venimeux...) a décidé de traverser le TFC entre les tentes pleines d'enfants. C'était très impressionnant, avec sa couleur argent il brillait littéralement au soleil... Encore des cris, des rassemblements et évidemment la chasse au reptile.
Finalement, il a été tué à coups de bâtons par les gardiens du TFC. Personne n'a été mordu, ni les enfants, ni les gardiens convertis en chasseur de serpent argent. Oui, il fait chaud au Sud Soudan...

Ajiep, Sud-Soudan
Le 04 décembre 1998

Salut,

Durant la semaine 47, nous avons eu un total de 42 nouvelles admissions dans nos TFC et un total de 74 sorties. Les sorties comprennent les congés (transfert vers le SFC)(62), les décès (3), les abandons (9) et les doubles inscriptions (erreurs administratives) ( 0). Comme nous étions une " grosse équipe " de quatre expatries (3 nurses et un toubib), nous avons fait un effort important pour faire le ménage des centres et pour congédier tous les enfants qui avaient atteint les critères de congé et qui ne souffraient pas de problème médical aigu ce qui explique qu' il y a eu plus de sorties que d'entrées.

Nous avons aussi mis beaucoup d'énergie pour faire respecter les critères d'admission pour ainsi n'admettre que ceux qui le nécessitaient vraiment pour référer les autres au SFC. A la fin de la semaine 47 (soit le début de la semaine 48), nous avions un total de 298 enfants dans nos centres (ça fait des méchantes tournées!). Le ARR (average Attendance Rate) était de 87.5% et notre AWG (Average Weight Gain) était à près de 10g/kg/jour (soit la limite inférieure de notre objectif). Comme les enfants que nous admettons actuellement sont moins malnutris que ceux admis en juillet et en août, je pense que notre AWG s'améliorera
Dans les prochaines semaines, nous devrions participer à une enquête nutritionnelle chez la population de notre secteur. Ce sera sans doute une expérience intéressante pour nous. Nous espérons aussi voir une diminution des taux de malnutrition par rapport à l'enquête précédente. Nous étions jusqu'à ce jour trois médecins sur l'équipe médicale a Ajiep. Il y avait Catherine, la coordonatrice médicale qui s'occupait de tout l'aspect medico-administratif de la mission, de coordonner les activités médicales dans tous nos centres et de superviser les CHW (Communaty health Workers). Il y avait Sophie qui s'occupait du PHCU (Primary Health Care Unit, le dispensaire) et moi qui s'occupait des deux TFC (Therapeutic Feeding Centers).

Ben voilà que Sophie n'en peut plus et doit abandonner la mission. Après sept semaines sur le terrain, elle est épuisée physiquement et moralement.
Elle sera évacuer en avion dés le lundi 07 décembre. Catherine et moi devrons maintenant se partager les activités médicales au PHCU en plus de notre tache habituelle. Cela m'ajoute évidemment beaucoup de travail mais le bon côté c'est que je sais comment faire rouler un hôpital et que je vais être exposé à plein de pathologies tropicales dont la TB, le ver de Guinée, évidemment le paludisme, l 'oncocercose, etc...

L'autre bon côté c'est que j ai une certaine affinité avec l'infirmière MSF qui est responsable du PHCU...en effet, je vais travailler avec Louise. De son côté, en plus du PHCU, Louise gère maintenant la pharmacie centrale de MSF a Ajiep (sous les tentes) et va aider dans les TFC. Notre semaine de repos sera maintenant dans 24 jours (on a commencé à compter les jours). En effet, nous passerons Noël a Ajiep avec l'équipe et nous serons sur les plages de Lamu au Kenya pour le début de 1999.

HA! Lamu, toujours Lamu! Nous profiterons de notre passage a Loki pour tenter de faire un dropping à bord des avions du WFP des Nations Unies. Nous profiterons de notre visite a Lamu pour faire une cure de bouffe fraîche, de fruits de mer, de jus de fruits fraîchement préssés, de sommeil et de repos... Bon, je vous laisse, les conserves (celles du soir) sont presque prêtes.

Salut,

Bon, il y a une petite routine qui semble s'installer... Encore des coups de feu au marché tout près du TFC. Mais cette fois, plusieurs rafales. Finalement, il semble que ce soit une histoire à propos du paiement d'une dote qui soit à l'origine des coup de feu. En effet, le peuple Dinka qui habite le Sud Soudan est un peuple semi-nomade avec une tradition pastorale.
Plus une personne Dinka est riche, plus cette personne possède de vaches. La vache est la clé de voûte des traditions et des coutumes chez les Dinkas. La tradition veut aussi qu'un homme qui souhaite marier une femme paie le père de la fille avec des vaches. Le prix de la femme a Ajiep est actuellement de 30 vaches, 40 si la femme est très très belle. Evidemment il doit y avoir négociation et il y a parfois surenchère si la femme a deux ou plusieurs prétendants. Comme il s'agit d une question d'honneur, le prix peut parfois monter jusqu' a 80 vaches...

Ce qui s'est passé au marche ce matin était la confiscation des vaches d'un homme qui refusait de payer sa dote au père d'une femme qu' il avait mise enceinte... Comme le type tenait à ses vaches plus qu'à la femme, il y a eu des échanges de coups de feu. Personne n'a été blessé...et évidemment les vaches ont finalement été confisquées.

Encore des serpents aussi au TFC et cette fois dans le toucoul que j'utilise pour les consultations médicales.
En effet, un maudit gros BLACK MAMBA (un des plus venimeux au Sud Soudan, il a une gueule et des dents impressionnantes...) a décidé de passer par là! Lui aussi a été tue à coups de bâtons par les gardiens malgré les risques.

Le plus grand risque à tuer ainsi les serpents, selon le Soudanais, n'est pas de se faire mordre par le dit serpent mais plutôt de se faire mordre (jusqu'à ce que mort s'en suive) par les frères et soeurs du serpent assassiné et cela pendant la nuit (évidemment) suivante... La famille serpent en deuil aurait le pouvoir de reconnaître l'assassin serpent par son odeur corporelle et ainsi retrouver son toucoul durant la nuit pour venger le défunt serpent.

En passant, je ne vous ai pas encore dit comment les blancs se font appeler ici par les Dinkas: ils nous appellent les Kabuayas ( prononcer KA-BU-A-Y-A). Ils nous saluent en disant CHIBAK. Cependant, ce qui m'amuse encore plus c'est les Keniens avec qui on travaille à la mission d Ajiep (nous avons une infirmière, un infirmier et deux logisticiens expatriés du Kenya qui travaillent avec nous). Leur langue maternelle est le Swaili et eux ils m'appellent DACTARI ( docteur en Swaili). Cela me fait bien rigoler car ça me rappelle l'émission de télé que je regardais quand j'étais enfant. je vous laisse car Dactari et sa chère compagne vont aller se restaurer. Les conserves (encore celles du soir) sont servies.

Ce soir, on a un petit extra car un directeur du siège de MSF de Bruxelles est en visite chez nous et qu' il a apporté du fromage et de la Vodka. Ciao!

Louise et Gilles XXX

Avec l'aimable autorisation d'Alain Vadeboncoeur - Mailing list Urgenet - Québec - Canada